MISE EN SECURITE DE l’ANCIEN SITE THEMEROIL A VARENNES-LE-GRAND (71)

Contenu proposé par Suez REMEDIATION.

Publié le 08/03/2022 à 00:00

Quand l’exploitant est défaillant, l’ADEME est missionnée pour assurer la cessation d’activité et la mise en sécurité du site. Sur l’ancien site THEMEROIL à Varennes-le-Grand (71), présentant des sols et des eaux souterraines fortement pollués aux COHV, SUEZ REMEDIATION a réalisé, pour l’ADEME, les derniers travaux de traitement de la zone d’infiltration des polluants. Retour sur l’ensemble des opérations menées par l’ADEME et description des travaux réalisés par SUEZ Remediation, notamment en soil-mixing. Le chantier, sous AMO AECOM, a également été l’objet de recherches par le BRGM (BIODISSPOL – AAP GESIPOL 2015-2018).

Certains sites très pollués, dont l’ancien exploitant est défaillant, présentent de vrais risques pour la sécurité et la santé des personnes voisines du site. L’ADEME peut alors être saisie pour assurer la mise en sécurité du site, selon la circulaire du Ministère chargé de l’Ecologie en date du 26 mai 2011. Les opérations que l’ADEME engage sont systématiquement encadrées par un arrêté préfectoral et c’est dans ce contexte que l’ancien site industriel THEMEROIL à Varennes-le-Grand (71) a pu être mis en sécurité. Il s’agit d’une ancienne usine de régénération d’huiles usagées et de solvants chlorés, avec également une activité de fabrication pour l’industrie du bâtiment. Ses activités ont débuté en 1972, pour se terminer en 2011 lors de la liquidation judiciaire de la société.

Phases de diagnostic

Le site THEMEROIL a été l’objet d’une première phase de diagnostic de reconnaissance des sources de pollution actives qui a montré la présence de sources très concentrées avec des déchets solides et liquides, des fûts, des cuves et des déchets enfouis (étude réalisée par TESORA 2012-2014).
A la suite de ce diagnostic et en première mesure d’urgence, des fûts de produits purs et des terres imbibées ont été retirés par une entreprise certifiée et éliminés en centres de traitement agréés. Une seconde phase de diagnostic a alors été menée pour identifier les pollutions souterraines, leurs voies de transfert et les cibles. Le schéma conceptuel sur site et hors site (cf. figure 1) a été établi par TESORA.
Les sols au droit du site étaient contaminés par les COHV (TCE, PCE et produits dégradés cis-DCE ; DCM et 1,1 DCA) et à l’origine d’une contamination de la nappe de Saint-Cosme, que l’on retrouve au droit de l’ancien site THEMEROIL. Ces eaux souterraines s’écoulent ensuite vers le Sud-Est en direction d’un ruisseau qui vient drainer les eaux de nappe polluées véhiculées ensuite vers l’étang situé à environ 4 km au Sud-Est du site. Toutefois, les conditions d’écoulement de la nappe de Saint-Cosme permettent d’exclure les risques sanitaires liés à l’usage des eaux. 

En revanche, alors que le site bénéficiait d’une couche étanche généralisée présente sous les remblais et protégeant des infiltrations vers les sols sous-jacents et la nappe, une partie du site appelée « Zone Enherbée Centrale » (ZEC ) constituait la zone d’infiltration principale de la pollution vers la nappe de Saint Cosme (nappe des sables).
En effet la couche d’argile présente sur l’ensemble du site THEMEROIL avait été excavée localement par la société THEMEROIL pour enfouir des déchets dans le sol et elle n’était plus assez représentée au droit de la ZEC pour jouer son rôle de barrière.
D’importantes infiltrations de COHV et CAV avaient eu lieu au droit de la ZEC vers les sols profonds et la zone saturée.

Figure 1 : Schéma conceptuel sur site et hors site – TESORA  (Source ADEME)

Le plan de gestion a préconisé de réaliser sur site le traitement des sources actives de pollution, principalement la zone enherbée centrale (ZEC) et de restaurer une étanchéité en profondeur au droit de cette zone.

En 2018, l’ADEME a lancé un appel d’offres pour réaliser les travaux de dépollution. Préalablement, la zone source dite ZEC avait fait l’objet d’une étude géostatistique pour préciser la répartition spatiale et en profondeur des polluants.
En outre, le dossier de candidature avait permis de pré-sélectionner quatre entreprises spécialisées en dépollution et de financer des essais de faisabilité en laboratoire.
SUEZ REMEDIATION a été retenu pour la réalisation de cette opération de dépollution des sols car son offre présentait les garanties nécessaires et un bon niveau de confiance pour mettre en œuvre l’ensemble des opérations concernées par cet appel d’offres.
Une troisième phase de travaux ultérieure (confinement de l’ensemble du site par un complexe d’étanchéité multicouches avec reprise du réseau de drainage des eaux de ruissellement) a été confié par l’ADEME à une entreprise de génie civil (hors marché).

 

Travaux sur le terrain : Soil mixing, chaulage et venting en andain

 

Une phase de caractérisation complémentaire de la ZEC a eu lieu en juillet – août 2018.
Par la suite, les travaux de dépollution ont été réalisés sous la supervision d’AECOM France mandaté par l’ADEME pour l’assister durant les différentes phases de ce chantier.
Les travaux consistaient à mener une opération de soil-mixing sur les horizons compris entre -3 et -7 m par rapport au terrain naturel (Zone saturée). Le soil-mixing mis en œuvre au droit de la ZEC a consisté à combiner la foration des sols à la tarière mécanique avec l’injection de fer zérovalent (FZV). L’intérêt du FZV est sa spécificité vis-à-vis des solvants chlorés, son action « stricte » en termes de réduction chimique de ces composés mais également son action combinée pour favoriser leur dégradation biologique et sa rémanence sur plusieurs années.

Le traitement a été réalisé en colonnes sécantes avec 30% de recouvrement (cf. figure 2). 
Cette solution permet des traitements à des profondeurs de plusieurs mètres, avec ou sans nappe, évitant ainsi les situations d’excavation avec soutènements associés, voire des opérations de pompage avec traitement des eaux polluées. 
Les équipements nécessaires pour la réalisation des travaux de Soil-Mixing sont une centrale à coulis pour préparation du mélange d’injection, une pompe de reprise des réactifs et un atelier de forage adapté. Il s’agissait ici d’un atelier mono-tarière de 570 mm ou 700 mm de diamètre. 
Dans le cadre du traitement de la zone saturée sur le site THEMEROIL, un volume de 896 m3 de sables aquifères pollués a été traité par malaxage in situ avec injection de FZV de type fer 0-80 µm. La mise en œuvre a été réalisée à une concentration de 2 %. Lors du malaxage, il a été nécessaire d‘installer un système d’extraction et de traitement des gaz.

 

Figure 2 : Photographie de l’atelier de forage de soil mixing et de la centrale à coulis en arrière-plan.

 

Après le soil-mixing, un terrassement des sols entre 0 et 3 m de profondeur (2400 m3) a été effectué à la pelle long bras en vue de leur traitement sur site.
L’étanchéité de la zone naturellement présente entre 2 et 3 m de profondeur a été également restaurée, par la mise en place d’un GSB (géotextile bentonitique), et le remblaiement a été réalisé à l’aide des matériaux les moins pollués issus du site d’une part, et de matériaux d’apport sains d’autre part. 

Les sols excavés les plus pollués représentant 855 m3, très humides et argileux, ont été traités sur site par chaulage/malaxage avec l’unité ROTALIS® équipée d’une extraction des gaz embarquée, puis mis en pile de finition par ventilation forcée (cf. figures 3 et 4).

Figures 3 et 4 : Traitement des terres excavées

 

Protocole de réception de la matrice sol

 

Un protocole de réception de la matrice sol juste après le soil-mixing a été validé par les acteurs du dossier. Les sols ont été prélevés, mis en flaconnages étanches Headspace (fermés avec un sertissage métallique) pour analyse unique et conservés par le laboratoire d’analyse.

Les échantillons ont ensuite été analysés à différentes échéances (J+4, 8, 12, 18 mois) pour contrôler la réduction des COHV par le FZV. Les résultats ont mis en évidence une dégradation des COHV conforme aux engagements dans les échantillons de sol lors des contrôles effectués 4 mois après le traitement.
Lors des contrôles effectués 8 mois après traitement, la plupart des concentrations sont inférieures aux seuils de quantification ou à l’état de traces. Ce suivi a mis en évidence l’efficacité de la réduction chimique des COHV par le FZV.
Celle-ci n’est pas instantanée, le processus principal mis en jeu étant un processus biologique d’activation de bactéries autotrophes capables d’utiliser la matière organique comme source de carbone. Ce risque d’activation biologique ralentissant la cinétique de réduction chimique stricte avait été remarqué dès la phase pilote et a conduit à prolonger la phase de réception sur le cis-DCE sur 18 mois et 8 mois pour les PCE et TCE. 

 

Un suivi des eaux souterraines sur le long terme

 

L’ADEME a souhaité suivre sur le long terme l’évolution de la qualité des eaux souterraines en combinant une caractérisation chimique et biologique des eaux afin de suivre les effets du traitement in-situ de la zone saturée. Une étude microbiologique menée par le BRGM a permis l’acquisition des données d’activité biologique.

Figure 5 : Evolution des concentrations en COHV dans les eaux souterraines au droit de la ZEC (Source ADEME)

 

Au droit de la ZEC, les teneurs en COHV diminuent au cours de la période de suivi post-traitement jusqu’à atteindre des valeurs proches de l’objectif de dépollution (cf figure 5). Considérant la répartition des différents COHV, le composé majoritaire reste le cis-1,2-dichloroéthylène, constituant à lui-seul en moyenne 70 à 80 % des COHV totaux présents, excepté au droit de la ZEC Nord où le chlorure de vinyle a vu sa concentration augmenter jusqu’à devenir majoritaire lors de la campagne de janvier 2021.
Ceci traduit la mise en place de conditions favorables à la dégradation des COHV par stimulation de la biomasse existante après le traitement in-situ par FZV. Au droit de la ZEC, les teneurs en COHV diminuent au cours de la période de suivi post-traitement jusqu’à atteindre des valeurs proches de l’objectif de dépollution (cf figure 5).
Considérant la répartition des différents COHV, le composé majoritaire reste le cis-1,2-dichloroéthylène, constituant à lui-seul en moyenne 70 à 80 % des COHV totaux présents, excepté au droit de la ZEC Nord où le chlorure de vinyle a vu sa concentration augmenter jusqu’à devenir majoritaire lors de la campagne de janvier 2021.
Ceci traduit la mise en place de conditions favorables à la dégradation des COHV par stimulation de la biomasse existante après le traitement in-situ par FZV. 

Figure 7 : Résultats microbiologiques dans les eaux du site – BRGM (Source ADEME, données BRGM,)

 

Au droit de Pz ZEC Nord, la diminution des teneurs en solvants chlorés à partir de mai 2020 s’accompagne d’une augmentation des quantités de bactéries du genre déhalorespirant Dehalococcoides.
A date, ces variations s’accompagnent également d’une augmentation des teneurs en chlorure de vinyle (de 1 900 à 2 700 µg/l) liée à la mise en place d’une déchloration réductrice incomplète de certains métabolites (Figure 7).
Des évolutions similaires sont relevées sur PZ ZEC Sud à partir de novembre 2019. Dans ces deux ouvrages, l’ensemble des résultats confirme la mise en place d’une déchloration réductrice des solvants chlorés. 

Enfin, une biodégradation des COHV résiduels s’est mise en place assez rapidement après soil-mixing au droit de la zone source (ZEC).
Le traitement chimique qui a été réalisé sur 40% seulement de cette zone a laissé la place à des mécanismes de biodégradation liés à la déchloration réductrice permettant d’abaisser les niveaux de pollution et d’atteindre les objectifs d’abattement sur l’ensemble de la ZEC.
La présence de populations sulfato-réductrices (BSR) a joué un rôle favorable dans la mise en place de cette déchloration réductrice.

Figure 6 : Evolution des concentrations en COHV dans les eaux à l’aval immédiat de la ZEC (Source ADEME)

 

Dans le piézomètre Pz 28 localisé juste en aval hydraulique, une diminution des concentrations en polluants a été observée 3 mois après mise en œuvre du soil-mixing mais elle a été suivie d’un effet rebond. La contamination des eaux souterraines a retrouvé en juin 2019 un niveau de pollution équivalent à celui d’octobre 2018. Les molécules mères (précurseurs PCE et TCE) sont absentes dans les eaux mais une teneur élevée en cis-DCE (entre 160 000 et 190 000 µg/l) et une augmentation du chlorure de vinyle (entre 5 700 et 18 000 µg/l) sont observées.

 

Ajouter du fer pour limiter le développement biologique

 

Sur l’ancien industriel Themeroil, l’ADEME a géré la mise en sécurité d’un site très fortement pollué, conformément à la politique française de gestion des sites et sols pollués. Ce processus est itératif, se déroulant en phases successives complémentaires de diagnostics, pilotes laboratoire, travaux et surveillance.
Les résultats du traitement par soil-mixing font l’objet d’études poussées afin d’améliorer le retour d’expérience de la profession et proposer aux clients des solutions fiables et efficaces. Le traitement par soil-mixing n’a concerné, pour rappel, que 40% des sols de la ZEC. Le fer ajouté a rapidement traité les précurseurs TCE et PCE.
Toutefois, à concurrence de 2% en masse dans le sol, le fer a fortement participé au développement bactérien qui a contribué à l’accumulation de cis-DCE. Les récents retours d’expérience de SUEZ Remediation en soil-mixing tendent à conclure que le taux d’incorporation du FZV doit être augmenté à 3 ou 4% en masse pour assurer une cinétique de dégradation chimique stricte suffisamment plus rapide que la voie biologique, pour limiter les phénomènes de développement biologique et permettre une réception plus rapide des travaux.
C’est bien l’association de 3 facteurs : faisabilité / coût / durée du traitement - qui sont à examiner au cours de l’étape de conception des travaux.

 

Françoise MANIGUET, Responsable développement commercial, SUEZ Remediation
Boris DEVIC-BASSAGET, Directeur technique, SUEZ Remediation
Cécile GRAND, Chef Projets Sites et Sols Pollués, ADEME